L'amour, l'amour
Dans un ciné porno, des retraités poussifs
Contemplaient, sans y croire,
Les ébats mal filmés de deux couples lascifs
Il n'y avait pas d'histoire.
Et voilà, me disais-je, le visage de l'amour,
L'authentique visage ;
Certains sont séduisants ; ils séduisent toujours,
Et les autres surnagent.
Il n'y a pas de destin ni de fidélité,
Mais des corps qui s'attirent ;
Sans nul attachement et surtout sans pitié,
On joue et on déchire.
Certains sont séduisants et partant très aimés ;
Ils connaîtront l'orgasme.
Mais tant d'autres sont las et n'ont rien à cacher,
Même plus de fantasmes ;
Juste une solitude aggravée par la joie
Impudique des femmes ;
Juste une certitude : « cela n'est pas pour moi » ,
Un obscur petit drame.
Ils mourront c'est certain un peu désabusés,
Sans illusions lyriques ;
Et pratiqueront à fond l'art de se mépriser,
Ce sera mécanique.
Je m'adresse à tous ceux qu'on a jamais aimés,
Qui n'ont jamais su plaire ;
Je m'adresse aux absents du sexe libéré,
Du plaisir ordinaire.
Ne craignez rien, amis, votre perte est minime :
Nulle part l'amour n'existe;
C'est juste un jeu cruel dont vous êtes les victimes,
Un jeu de spécialistes.
-Michel Houellebecq