Introduction
Je suis un homme, Blanc, hétérosexuel, occidental.
Je représente une espèce, mon espèce.
Je ne suis pas majoritaire.
J’ai environ 700 millions de congénères.
700 millions sur 7 milliards : j’avais une chance sur dix de naître homme, Blanc, hétéro et occidental et c’est ce qui m’est arrivé.
Pour moi et mes 700 millions de congénères, ça va.
De façon générale, nous trouvons du travail, nous arrivons à nous loger, nous bénéficions de couvertures sociales, nous mangeons plus qu’à notre faim, nous ne nous faisons harceler ni dans la rue ni au travail, nous voyageons librement (parce que nous obtenons des visas facilement), personne ne nous reproche notre mode de vie, nous ne sommes pas contrôlés dans la rue, nous ne courons pas le risque de mourir sous les coups de notre conjoint, et, statistiquement, nous avons les plus hauts revenus.
Pendant longtemps, je n’en ai pas eu conscience. Je n’ai pas eu conscience que j’étais ce privilégié qui trouve naturel que le monde lui soit offert. J’avais la conscience d’être à l’abri de la guerre, de la famine, de la barbarie parce que je suis citoyen d’un pays qui a su éradiquer la plupart de ces calamités. Mais je me trompais de critère.
Le critère qui me protège le plus des malheurs de ce monde, c’est d’abord ma classe. Ce qui me protège, c’est que je cumule les privilèges : je suis un homme, Blanc, hétérosexuel et occidental.
Je pensais que le destin m’avait favorisé, d’autres pensent que c’est la volonté divine, d’autres encore invoquent la loterie génétique ou bien la grande roue de l’histoire. Certains pensent même l’avoir mérité.
Rien de tout cela n’est vrai. Ma classe bénéficie de tous ces privilèges car elle les a pris et elle fait tout pour les conserver.