La danse, l'œuvre du Diable qui conduit à la fornication !
Bezannes, Marne, 1668.
Le curé de Bezannes, en ce dimanche de l'année 1668, monte en chaire pour apostropher ses paroissiens sur les dangers des bals et de la danse qu'ils ne pratiquent que trop, oubliant leur devoir de chrétien. Oeuvre du diable et perdition des jeunes gens, la danse donne aux filles une occasion trop heureuse de faire perdre aux jeunes hommes leur innocence !
Mais derrière cette condamnation religieuse des festivités courues par la jeunesse, on aperçoit simplement, à travers ce texte, la soif de vivre et de s'amuser des jeunes gens d'alors. La jeunesse n'a pas d'époque.
Très satisfait de son sermon, il l'a consigné dans son registre. Extraits.
« Avis charitable sur les danses.
La coutume de danser parmi les chrétiens selon St Augustin est un reste du paganisme asseurant que les anciens idolâtres, par cette
récréation prophane, honoroient à leurs faux dieux. Conséquemment, jamais il n'a été permis à un Xtien (chrétien) disciple de JX
(Jésus-Christ) crucifié, de danser sur tout avec des personnes de sexe différent parce que la danse est une occupation vaine, sensuelle,
dangereuse pour les mœurs, réprouvée par le St Esprit, dans les Stes Écritures, par l’Église, les Sts Pères et la raison même...
Les danses (sont) des actions horribles … il vaudroit mieux labourer la terre que de danser aux jours de feste.... Dieu ne nous a pas donné
des pieds pour sauter mais pour marcher...
Le son des violons, les danses et les battements des mains, là sont les ténèbres des hommes … la tristesse des anges et la feste des diables ; enfin … le Diable est l'autheur des danse et que celuy (le Diable) qui a apris la fornication et l'idolâtrie est le même qui a
appris à danser …
La danse est une action indigne d'un honnête homme, de laquelle on ne peut remporter que de la honte. C'est un spectacle infâme (il parle
des bals), c'est une assemblée d'inconséquence, ce branlement des mains et des pieds, cette vagation et imprudence des yeux, tous ces gestes impudiques amène la volupté au cœur des jeunes gens, les Xtiens
(chrétiens) modestes qui ont la crainte de Dieu fuyent comme la peste toutes ces occasions de dissolution parce que la danse est un
apprentissage de l'impudicité et de la luxure ; les filles usent de la danse pour perdre et faire perdre aux jeunes hommes leur innocence...
l'impureté entre dans les cœurs, les regards, les parolles impudiques s'y font entendre distinctement, la confusion de la compagnie y fait dire beaucoup de choses que la modestie xtienne ne permettent pas ailleurs ; les attouchements des mains qu'on doit deffendre en d'autres occasions semblent devenir icy (permis), la foule favorise … les plus mal intentionnés, la nuit qu'on choisi quelque fois (pour danser) porte les danses, étant l'ennemi de la pudeur et la confidente des crimes, donne du courage aux plus timides pour exaucer hardiment leurs plus pernicieux désirs.
C'est ainsi qu'on donne une nouvelle occasion au libertinage et qu'on fait passer le crime pour récréation (loisir), les filles sont ravies d'aise de voir que la grâce de leur corps seconde la légèreté de leur (mœurs?).
La danse est une occasion prochaine à la plus part des jeunes gens de tomber en plusieurs sortes de péché, des querelles d'où procèdent
souvent des mariages fort malheureux et occasions de pensées, désirs, paroles, chansons, regards et attouchements lascifs et autres impuretés à raison de la familiarité et grande liberté des sens qui se pratiquent entre garçons et filles dans la danse ».
L’Église n'a jamais réussi à empêcher les Français de danser.
AD Marne, registre paroissial de Bezannes, 1668.
