J'entrelace ma mémoire qui s'effiloche, pendant que j'éteins la lumière à coup de pioche. J'ai toujours rêvé de l'abattre. Pour m'emparer de l'obscurité et m'endormir à la recherche de moi-même. Peut-etre alors que je pourrais lui dire qu'il n'y avait pas d'échappatoire et qu'il fallait mieux qu'il meure maintenant.
Je tuerais celui que j'étais pour qu'il ne devienne plus. Je supprimerais tout futur pour agonir éternellement aujourd'hui. Je sens mon moi d'hier saigner dans mon ventre avant de naitre. J'ai recraché mon fœtus, je l'ai baptisé avant de le piétiner.
Nous avons cessé de nous reconnaitre depuis que le soleil n'illumine plus rien.
Ne subsiste plus que le son hésitant de ma voix venue troubler le silence, et les caresses rêches de mes doigts sur ta peau. N'existe plus qu'un dédale de jours sans avenir ni passé. Tout n'est plus qu'immanence. Tout n'est plus que sensations. Les sensibilités alors se mélangent et s'entrechoquent dans la haine, l'affection, la dépendance et la réciprocité.
Il y a des bruits mais nous n'entendons plus rien.
Il y a des yeux mais nous ne ressemblons plus à rien. Nous avons rejeté tout ce que le monde voulait que nous soyons, et ne sommes devenus que des vipères à sang-froid, bons qu'à s'entortiller, bons qu'à se mordre et s'embrasser. Il n'existe plus de demain ni de foyer.
Il n'existe plus aucune responsabilité autre que soi et sa transcendance. Nous avons figuré l'égoïsme au plus-que-parfait. Crucifié le bonheur et la paix comme un conte imparfait. Je ne veux que le présent, moi, et le présent toujours pour balbutier à mon âme des gargarismes suffoqués remplis de souffrance et de désespoir comme celui que j'ai toujours été.
Nous n'avons plus à nous cacher pour souffrir désormais.
Tout va bien.
Votre souffrance est absolue, défendue, entendue non par leurs oreilles mais par la violence immodérée qu'on a débraillée. Respirez.
Tendez moi votre main.
Vous êtes libre à présent.