Des flics agressent leur collègue et mettent la faute sur un suspect
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Un homme a failli être jugé sur la base d’un faux procès-verbal. Deux fonctionnaires de Vanves, dans les Hauts-de-Seine, ont été mis en examen.
Par Jean-Baptiste Jacquin et Antoine Albertini
Tout est parti d’une blague douteuse qui a mal tourné. Au commissariat de police de Vanves (Hauts-de-Seine), près de Paris, deux gardiens de la paix s’amusent à menotter une collègue avant de la placer dans une cellule de garde à vue. Ce serait, dit-on, un bizutage courant dans certains commissariats. Sauf que ce 16 mai 2020, les policiers y vont fort en la jetant dans la geôle. La jeune gardienne de la paix se fracture le poignet. Elle a beau se plaindre, ses deux collègues la laissent mariner aux fers.
Le lendemain, ils sont obligés de constater que la jeune femme ne jouait pas la comédie : son poignet est bien abîmé. Qu’à cela ne tienne, ces deux membres d’une brigade de jour convainquent leur collègue de mettre sa blessure sur le compte du premier venu. Cela tombe bien, ils viennent de procéder à l’interpellation un peu musclée d’un individu qui a refusé de se laisser contrôler et a résisté. L’homme est placé en garde à vue et un procès-verbal est dressé, détaillant par le menu de quelle manière il s’en est pris violemment à la policière. La preuve : celle-ci voit un médecin qui lui délivre un arrêt de travail et établit son incapacité temporaire totale (ITT) à plusieurs dizaines de jours.
D’autres affaires
Devant une telle violence, gratuite, exercée contre une représentante des forces de l’ordre, le parquet n’hésite pas à poursuivre cet homme pour « rébellion et violences à agent », confirme Catherine Denis, procureure de Nanterre. Le faux agresseur échappe à la comparution immédiate, l’audience est fixée en octobre. Il risque cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, et ses dénégations ne pèseront guère face à la parole d’agents assermentés.
Rien ne devait arrêter cette implacable machine de l’injustice jusqu’à ce grain de sable. Le commissaire de police de Vanves appelle la policière à son domicile quelques jours après son arrêt de travail pour prendre de ses nouvelles. Nous sommes le 22 mai, moins d’une semaine après son bizutage brutal. Rapidement, la jeune femme fond en larmes et vide son sac. Elle dit être victime, depuis plusieurs mois, de harcèlement de la part de ses deux collègues, raconte l’origine de sa blessure et avoue avoir participé à la rédaction du faux procès-verbal.
La réaction du commissaire est immédiate. Il alerte le directeur de la sécurité publique des Hauts-de-Seine, qui prévient la procureure de la République. Mme Denis ouvre une enquête préliminaire et saisit l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). La police des polices va entendre tous les membres de cette étonnante brigade de Vanves et faire, par la même occasion, d’autres découvertes.
« L’enquête a établi que deux gardiens de la paix faisaient un peu la loi et exerçaient une forme de pression sur leurs collègues avec des plaisanteries incessantes. Ils leur imposaient, par exemple, de fonctionner à leur manière lors des contrôles, c’est-à-dire de façon pas très professionnelle, en bousculant les personnes contrôlées », apprend-on de source judiciaire. Le tandem de policiers est placé en garde à vue, entendu, et nie les faits. A compter du 11 juin, les deux fonctionnaires sont malgré tout suspendus, avec interdiction d’exercer la moindre fonction le temps de la procédure, car l’enquête de l’IGPN met au jour « d’autres affaires, d’une relative gravité », fait savoir une source policière sans préciser la nature des faits reprochés au duo. D’après nos informations, et outre les événements de mai 2020, l’enquête de l’IGPN a révélé des faits remontant à 2019 au moins, dont d’autres membres du commissariat auraient été victimes.
Le tribunal ayant eu communication du rapport de l’enquête IGPN quelques jours avant la comparution du faux coupable, celui-ci a été entièrement relaxé.
« Loi du silence »
La procureure de la République a ouvert une information judiciaire et a placé sous contrôle l’un des deux policiers, présenté comme celui exerçant un ascendant sur l’autre. A l’issue de leur interrogatoire de première comparution devant le juge d’instruction en octobre, ils ont été mis en examen pour « faux par dépositaire de l’autorité publique et usage de faux, violence en réunion, harcèlement, injures à caractère raciste », précise la procureure de Nanterre.
Outre l’effet désastreux pour l’image de la police, cette affaire pose la question du fonctionnement de certaines unités du commissariat de Vanves. « Il y avait une forme de loi du silence imposée au sein de la brigade. Personne ne voulait être celui qui dénonce ses collègues », détaille une source judiciaire. Le responsable de la brigade, un major en fin de carrière manifestement débordé par ces jeunes et remuants éléments, aurait tardé à agir, leur laissant le champ libre.
Si la jeune policière n’avait pas craqué, non seulement rien ne se serait su mais les dégâts causés par les deux compères auraient pu être pires dans les mois à venir. Ils étaient, a-t-on appris de bonne source, sur le point d’obtenir leur habilitation BAC (brigade anticriminalité).
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- risitas6150
- Date de création
- 11 mars 2021 à 12:08:30
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