[Pavé] Tous mes profs d'histoire ont regretté leur choix
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Lors de mon tout premier cours d'histoire en 6ème j'avais été fasciné par cette matière, je savais que je voudrais étudier dans ce domaine, devenir historien !
Dès cette époque j'avais déjà commencé à lire beaucoup de mon côté, à me forger une culture, et à discuter longuement avec mes profs sur comment fonctionnait ce métier et les études d'histoire.
I- Le collège.
Mon premier prof en 6ème avait été super, plus que la matière c'est aussi sa personne qui m'avait donné goût à l'histoire, mais il est parti l'année suivante malheureusement.
Ensuite j'ai eu la même prof d'histoire les 3 années suivantes au collège, c'est surtout à elle que j'ai demandé des détails et des conseils, première douche froide : les historiens consacrent une grande partie de leur temps à l'enseignement (collège/lycée/université), ce qui ne me plaisait pas forcément car j'étais alors assez timide et le collège où j'étais ne donnait pas forcément une bonne image du métier d'enseignant et de bonnes conditions de travail.
Ma vision idéale était de parcourir des archives, de voyager de temps en temps, et surtout d'écrire des articles et des livres, beaucoup, voire donner des conférences ponctuelles.
Ma prof m'avait expliqué que le principal débouché était donc le métier de prof d'histoire-géo, à BAC+5 et CAPES, elle m'a aussi parlé des thèses en doctorat et m'a initié aux autres voies possibles dans le patrimoine et la culture, tout en m'avertissant sur le nombre restreint de postes (ce qui n'allait pas en s'améliorant mais nous y reviendrons), l'ultra-sélectivité des concours, le poids de certaines écoles incontournables (comme celle du Louvre), et qu'au final ceux qui s'engageaient dans ces voies embrassaient souvent une route précaire sans toujours de résultats au bout et "pensaient plus à ce qu'ils allaient manger à midi qu'au reste"...
II- Le lycée.
J'arrive ensuite au lycée et nouvelle surprises. Mon prof en Seconde et en Première s'était lancé dans des études d'histoire par passion et avait un doctorat, il s'était spécialisé plus particulièrement dans l'Égypte antique (assez bouché me direz-vous comme domaine). Il avait enseigné en TD à la Fac une année et se trouvait en lycée faute de mieux, il m'avait lui-même dit qu'il "espérait que cela n'en resterait pas ainsi". Mais ce qui m'avait le plus chamboulé c'est que lorsque nous parlions d'orientation et d'études supérieures il me poussait à m'intéresser à des filières plus concrètes, des DUT, des licences d'éco-gestion, etc, il se projetait surtout sur moi dans ces cas-là, le constat était sans appel : il regrettait son choix et me le faisait comprendre.
En Terminal notre prof titulaire a été quasiment toute l'année en arrêt maladie, le jeune suppléant qui le remplaçait aurait été moi si j'avais fait des études d'histoires : surqualifié pour le poste, espérant obtenir une place en université, se demandant ce qu'il faisait là devant une classe de lycéens qui se fichaient de son cours, ne me regardant que moi et mon voisin, les seuls qui suivaient, il me faisait vraiment de la peine... Et lui aussi lors des questions d'orientation m'a poussé à intégrer des filières plus concrètes et professionnalisantes, disant que ce "serait une vrai opportunité et une vrai chance".
III- L'Université.
Mais pourtant malgré tout cela je ne me voyais que faire des études d'histoire, j'ai donc intégré la Fac et la première année était super il faut l'avouer, honnêtement ça m'a beaucoup plu. C'est très facile quand on aime vraiment une discipline et que l'on maîtrise la méthodologie, nous n'avons pas l'impression de "travailler" même si il faut beaucoup lire et emmagasiner beaucoup de connaissances à reverser lors des CM.
À la Fac il y avait d'un côté les enseignants-chercheurs, titulaires, qui ont leur place, donnent des cours en CM et se consacrent à la recherche le reste du temps, et qui se rapprochaient le plus de l'image que j'avais initialement des historiens. De l'autre côté il y avait les chargés de TD, jeunes enseignants de collège-lycée fraîchement diplômés. C'était ces derniers qu'il fallait que j'observe tout particulièrement, et ce n'était pas glorieux.
L'une d'entre elle m'avait avoué lors d'une discussion à la fin d'un TD être "allé en histoire sur un malentendu". Elle était doctorante et avait pourtant opté pour un double-cursus en géographie et aménagement du territoire, mais malgré ça elle n'avait pas trouvé mieux que l'enseignement en collège en tant que prof d'histoire-géo (il faut d'ailleurs savoir qu'en histoire à l'inverse d'autres filières le CAPES est obligatoire), et cela lui pesait.
Un autre plutôt spécialisé dans l'archéologie voulait intégrer l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives). Lorsque nous lui avions demandé comment faire pour y entrer il nous avait répondu cyniquement "connaître quelqu'un qui travaille à l'INRAP"... Il avait enchaîné et enchaîné des chantiers archéologique où selon ses dires il "creusait dans la boue"... Il était à côté de ça lui aussi prof d'histoire-géo au collège où il avait le sentiment d'être bloqué.
Un autre encore, agrégé, s'imaginait déjà pouvoir avoir une place à l'université, mais lui aussi, prof d'histoire-géo dans le secondaire, s'est rendu compte qu'il n'avait pas plus d'opportunités. Nous l'avons vu devenir terne et moins dynamique au fur et à mesure que le semestre passait, allant à la fin jusqu'à nous conseiller des alternatives comme l'École des Chartes, afin de "devenir conservateur" (et de ne pas finir comme lui), mais même-là ce n'est pas forcément gage d'avoir quoi que ce soit à l'arrivée.
D'ailleurs on nous avait bien dit au début de la L3 que la filière évolue globalement, qu'il n'y a plus vocation à intégrer l'université comme cela se faisait avant. À l'entrée des Master 1 axés recherche les profs annoncent clairement qu'il faut "aller en master patrimoine sinon vous n'aurez pas de travail". Nous allons justement en parler.
IV- Mes stages et ma réorientation.
J'avais déjà fait quelques chantiers archéologiques, mais pendant ma licence j'ai pu faire deux stages, le premier dans un musée archéologique et un autre en archives, et c'était franchement magnifique, parmi les meilleures périodes de ma vie, rien que pour ça je ne regrette pas de m'être orienté initialement en études d'histoire, j'ai vraiment pu goûter à mon rêve et le bonheur de se lever tous les matins pour exercer sa passion !
Mais le revers de la médaille : les postes qui déjà se réduisaient, le fonctionnement de certains concours qui ne garantissent pas une place même en cas de réussite, l'usage de contractuels et de gens de parfois plus de 40 ans précaires et à mi-temps, notamment en archives (à ce moment je me suis dit : "si avec leur diplôme et toutes leurs années d'expériences ils en étaient là, qu'en sera-t-il pour moi ?").
Je vous passerai les autres détails, etc.
C'était vraiment un cocon, une parenthèse enchantée, et c'est justement cela, cette expérience concrète du milieu, qui m'a fait me détourner définitivement de ce domaine.
À partir de la L3 je bifurque en sciences politiques, c'était un peu plus général comme études, et avec j'ai passé un concours de la fonction publique à un poste où je suis toujours, je ne regrette pas mon choix, je l'ai réfléchi en connaissance de cause.
V- Conclusion.
Maintenant si j'ai un conseil à donner aux jeunes qui voudraient se lancer, si vous voulez être prof d'histoire-géo alors les études d'histoire c'est très bien, sinon attendez-vous à galérer, et ce bien plus que vous pouvez le penser.
N'écoutez pas les gens qui vous diront "fait ce qui te plaît et crois-y à fond", non, à un moment il faut être réaliste, ce sont des belles paroles qui ne les engagent à rien et ils ne sont pas à votre place.
Trop de gens intègrent des filières littéraires sans débouchées, et certains sont victimes de profs sans scrupules (l'un des nôtres en L3 encourageait des étudiants à intégrer son master recherche inutile dans le simple but que celui-ci soit maintenu alors qu'il savait très bien qu'il n'y avait rien au bout).
Rien ne vous empêche de stimuler votre passion pour l'histoire à côté, comme moi-même je le fais, en lisant, en visitant des musées, des édifices historiques, des chantiers archéologiques, des colloques et j'en passe
Voilà globalement pour mon expérience, j'espère que cela peut éclairer des gens et les aider
Le 02 février 2021 à 09:44:10 team29 a écrit :
Pour une fois qu'un post est intéressant je te UP.
Le 02 février 2021 à 09:44:46 Casiodel a écrit :
Déjà vu ce pavé il y a quelques semaines + arrête de vouloir décourager les gens.
Oui j'en suis l'auteur, je vais le refaire de temps en temps comme nous entrons dans la période d'orientation.
Et tu n'as pas lu mon topic, je ne décourage pas les gens, je les informe honnêtement sur ce qui les attend, si mon constat paraît négatif c'est parce que le débouché l'est.
Le 02 février 2021 à 09:46:31 Hadraas a écrit :
Ne surtout pas faire d'études d'histoire, c'est une énorme arnaque et le meilleur moyen de s'en dégoûter à vie.
L'histoire peut être une passion, mais il n'y a pas forcément besoin d'en faire des études, oui on peut en être dégouté et surtout subir son parcours en se rendant compte qu'il n'y a pas forcément moyen d'en vivre hormis à être enseignant.
Comme si c'était une révélation ce que tu raconte
A moins d'être excellent tu feras pas autre chose qu'un concours avec des études d'histoire hein
Le 02 février 2021 à 19:29:20 Hans_Kelsen a écrit :
J'ai le même dilemme mais en droit l'op. J'hésite entre me lancer dans la recherche ou faire les concours (avocat, magistrat, huissier, greffier)
Quels débouchés pour la recherche ?
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+ Topic d'utilité publique
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+ On pourraient l'agrémenter de nouveaux éléments
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Données du topic
- Auteur
- Spatinou
- Date de création
- 2 février 2021 à 09:41:55
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