Quelqu'un pourrait expliciter ce texte surtout le début ? :
L’Étranger : Celui qui dit tout savoir et vouloir l’enseigner à un autre pour peu d’argent et en peu de temps, ne faut-il surement pas considérer que c’est à un jeu qu’il se livre ?
Théétète : Complètement, sans doute.
L’Étranger : Or, connais-tu une espèce de jeu qui atteste de plus d’habileté technique et procure plus de charme que l’art d’imiter ?
Théétète : Aucune absolument. Tu viens en effet, en rassemblant le tout en une unité, de parler d’une espèce très nombreuse et qui est presque la plus variée.
L’Étranger : Donc, cet homme qui se fait fort d’être capable de produire toutes choses à l’aide d’une technique unique, nous nous rendons compte, je pense, de ceci à son sujet : en réalisant à l’aide de la technique picturale des imitations des êtres réels, et qui portent le même nom que ceux-ci, en montrant de loin les choses qu’il aura peintes, il sera capable de donner l’illusion, à ceux des jeunes enfants qui ne réfléchissent pas, qu’il est le plus en mesure d’achever réellement tout ce qu’il souhaiterait réaliser.
Théétète : Comment en effet ne donnerait-il pas cette illusion ?
L’Étranger : Dès lors, qu’est-ce à dire ? Eu égard aux discours, ne devons-nous pas nous attendre à ce qu’il y ait un art spécial , grâce auquel il est précisément possible, cette fois par le canal des oreilles, d’ensorceler au moyen de discours l’esprit de la jeunesse et celui des gens qui sont encore éloignés de la vérité des choses ? et cela en montrant, à propos de toutes choses, des simulacres parlés, de manière à faire croire à la vérité de ce qui est dit, et par suite à l’existence, chez celui qui l’a dit, d’un savoir absolument universel et supérieur à celui d’absolument tous les hommes ?
Théétète : Pourquoi en effet n’existerait-il pas un art spécial de ce genre ?
L’Étranger : Mais, Théétète, pour la plupart de ceux qui ont alors écouté ces discours, quand un temps assez long s’est écoulé pour eux, qu’ils ont avancé en âge et qu’ainsi ils en viennent à se rapprocher des êtres réels et lorsqu’ils sont forcés d’ailleurs par les expériences de saisir avec évidence les réalités, n’est-il pas nécessaire qu’ils modifient leurs opinions anciennes ? au point de trouver sans importance celles qui étaient alors importantes à leurs yeux, difficiles celles qu’ils trouvaient faciles, et de voir bouleversées de tout point, sous la pression des faits expérimentés dans l’action, toutes les apparences qui se trouvent dans le discours ?
PLATON, Sophiste, 234a-235c, trad. Léon Robin modifiée, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1950, Paris, vol. II, p. 283-284.
