Topic de Sonic590 :

Tu as commencé par te fabriquer une filiation merveilleuse.

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Tu es originaire d’un petit hameau de la Judée, né d’une pauvre femme de la campagne qui vivait de son travail. Celle-ci, convaincue d’avoir commis adultère avec un soldat nommé Panthéra fut chassée par son mari qui était charpentier de son état. Expulsée de la sorte et errant çà et là ignominieusement, elle te mit au monde en secret. Plus tard, contraint par le dénuement à t’expatrier, tu te rendis en Égypte, y louas tes bras pour un salaire, et là, ayant appris quelques-uns de ces pouvoirs magiques dont se targuent les Égyptiens, tu revins dans ton pays, et enflé des merveilleux effets que tu savais produire, tu te proclamas Dieu.

Ta mère peut-être était belle, et Dieu, dont la nature pourtant ne souffre pas qu’il s’abaisse à aimer les mortelles , voulut jouir de ses embrassements. Mais il répugne que Dieu ait aimé une femme qui n’avait ni fortune ni naissance royale comme ta mère, car personne même de ses voisins ne la connaissait. Et lorsque le charpentier se prit de haine pour elle et la renvoya, ni la puissance divine ni le Logos, qui dompte les coeurs, ne put la sauver de cet affront. Il n’y a rien là qui sente le royaume de Dieu.

Tu dis qu’à ce moment même une ombre d’oiseau descendit sur toi en volant du haut des airs. Mais quel témoin digne de foi a vu ce fantôme ailé ; qui a entendu cette voix du ciel qui te saluait fils de Dieu ; qui, si ce n’est toi et, si l’on t’en veut croire, un de ceux qui ont été châtiés avec toi ?

Tu racontes que des Chaldéens, ne pouvant se tenir après avoir appris ta naissance, se mirent en route pour venir t’adorer comme un Dieu, quand tu étais encore au berceau, qu’ils annoncèrent la chose à Hérode le Tétrarque, et que celui-ci, craignant que, devenu grand, tu ne t’emparasses du trône, fit égorger tous les enfants du même âge pour te faire périr sûrement.

Mais si Hérode a fait cela dans la crainte que plus tard tu ne prisses sa place, pourquoi arrivé à l’âge d’homme n’as-tu pas régné ? Pourquoi te voit-on alors, toi, le fils de Dieu, errant si misérablement, courbé de frayeur, ne sachant que devenir, et avec tes dix ou onze acolytes ramassés dans la lie de la société, parmi des scélérats de publicains et de poissonniers, courant le pays, gagnant honteusement et à grand-peine de quoi vivre ?

Pourquoi fallait-il qu’on t’emportât en Égypte ? Pour te sauver de l’épée ? Mais un Dieu ne peut craindre la mort. Un ange vint tout exprès du ciel t’ordonner à toi et à tes parents de fuir. Le grand Dieu qui avait déjà pris la peine d’envoyer deux anges pour toi, ne pouvait donc préserver son propre fils dans le pays même ?
On raconte, il est vrai, et on enfle à plaisir maints prodiges surprenants que tu as opérés, des guérisons miraculeuses, des pains multipliés et autres choses semblables. Mais ce sont prestiges que les magiciens ambulants accomplissent couramment, sans qu’on pense pour cela à les regarder comme les fils de Dieu.

Le corps d’un Dieu ne serait pas fait comme était le tien. Le corps d’un Dieu n’aurait pas été formé et procréé comme l’a été le tien. Le corps d’un Dieu ne se nourrit pas comme tu t’es nourri. Le corps d’un Dieu ne se sert pas d’une voix comme la tienne, ni des moyens de persuasion que tu as employés. Et le sang qui coula de ton corps ressemble-t-il à celui qui coule dans les veines des dieux ? Quel Dieu, quel fils de Dieu que celui que son père n’a pu sauver du plus infâme supplice et qui n’a pu lui-même s’en garantir ?

Ta naissance, tes actions et ta vie sont non d’un Dieu, mais d’un homme haï de Dieu et d’un misérable goëte.

Ceux qui croient au Christ font un crime aux Juifs de n’avoir pas reçu Jésus pour Dieu. Mais comment donc, nous qui avions appris à tous les hommes que Dieu devait envoyer ici-bas le ministre de sa justice pour punir les méchants, comment l’aurions-nous outragé à sa venue ? Pourquoi aurions-nous traité avec ignominie celui dont nous avions d’avance annoncé l’avènement ? Était-ce donc pour attirer sur nous un surcroît de châtiments de la part de Dieu ? Mais comment recevoir pour Dieu celui qui, comme entre autres choses dont on l’accusait, ne fit rien de ce qu’il avait promis ? Qui, convaincu, jugé, condamné au supplice, se sauva honteusement et fut pris, livré par ceux mêmes qu’il appelait ses disciples ?

Un Dieu ne devait pas se laisser lier, emmener comme un criminel ; bien moins encore devait-il être abandonné, trahi par ceux qui vivaient avec lui, qui étaient ses familiers, qui le suivaient comme un maître, le considéraient comme un sauveur, fils et envoyé du grand Dieu

Un bon général qui commande à des milliers de soldats n’est jamais trahi par les siens, pas même un misérable chef de brigands commandant à des hommes perdus, tant que ceux-ci trouvent profit à le suivre.

Mais Jésus trahi par ceux qui marchaient sous lui, ne sut pas se faire obéir comme un bon général, ni après avoir fait ses dupes — j’entends ses disciples — ne sut pas seulement leur inspirer ce dévouement qu’un chef de brigands, si je puis dire, obtient de sa bande.

Vous avouez ingénument qu’il a souffert en effet.

Mais l’imagination des disciples a trouvé une adroite défaite : c’est qu’il avait prévu lui-même et prédit tout ce qui lui est arrivé. La belle raison ! C’est comme si pour prouver qu’un homme est juste, on le montrait commettant des injustices ; pour prouver qu’il est irréprochable, on faisait voir qu’il a versé le sang ; pour prouver qu’il est immortel, on montrait qu’il est mort, en ajoutant qu’il avait prédit tout cela. Mais quel Dieu, quel démon, quel homme de sens, sachant d’avance que de pareils maux le menacent, ne les éviterait, s’il le pouvait, au lieu de se jeter tête baissée dans des accidents qu’il a prévus ?

S’il [Jésus] a prédit la trahison de l’un et le reniement de l’autre, comment ont-ils osé l’un trahir, l’autre renier celui qu’ils devaient craindre comme un Dieu ? Ils le trahirent pourtant et le renièrent, sans avoir aucun souci de lui.

Un homme contre lequel on forme une conspiration, et qui le sait, et qui avertit d’avance les conjurés, les fait changer de dessein et se tenir en garde. Les événements donc ne sont pas arrivés parce qu’ils avaient été prédits. Cela ne se peut. Au contraire, de cela seul qu’ils sont arrivés, il suit qu’il est faux qu’ils aient été prédits. Il est impossible que des gens prévenus eussent persisté à trahir ou à renier.

Mais, [direz-vous,] c’est un Dieu qui a prédit toutes ces choses ; il fallait donc absolument que tout ce qu’il avait prédit arrivât. — Un Dieu donc aura induit ses propres disciples et prophètes, avec lesquels il mangeait et buvait, en cet abîme d’impiété et de scélératesse sacrilège, lui qui devait surtout faire du bien à tous les hommes et plus qu’à personne à ceux avec lesquels il frayait tous les jours ! Vit-on jamais homme tendre des pièges à ceux qui partagent sa table ?
Or, ici, c’est le commensal même d’un Dieu qui lui dresse des embûches, et, ce qui répugne encore plus, le Dieu lui-même dresse des embûches à ses compagnons et fait d’eux des traîtres et des impies.

D’autre part, s’il a voulu ce qui est arrivé, si c’est pour obéir à son père qu’il a subi le supplice, il est clair que cet accident tombant sur un Dieu impassible par nature et qui s’y soumettait librement et de propos délibéré, n’a pu lui causer ni douleur ni peine.

Pourquoi donc alors pousse-t-il des plaintes et des gémissements et prie-t-il que le dénouement qui l’effraie lui soit épargné, disant : « O mon père, s’il se peut que ce calice s’éloigne ! »

Mais tous ces prétendus faits sont des contes que vos maîtres et vous avez fabriqués, sans pouvoir seulement donner à vos mensonges une couleur de vérité.

J'aimerais avoir la vie simple de l'auteur https://image.noelshack.com/fichiers/2017/36/1/1504488675-american-psycho-christian-bale.png

Vous avez, par un raffinement de subtilité, identifié le fils de Dieu avec le pur Logos divin. De fait, au lieu de ce pur et saint Logos, vous ne pouvez nous montrer ici qu’un individu ignominieusement conduit au supplice et bâtonné. Que le fils de Dieu puisse être pour vous le Logos divin, nous y consentons aussi ; mais comment le trouver dans ce hâbleur et ce goëte ? La généalogie que vous lui avez faite et où l’on voit, à partir du premier homme, Jésus descendre des anciens rois, est un chef-d’oeuvre d’orgueilleuse fantaisie. La femme du charpentier, si elle eût eu de semblables aïeux, ne l’eût pas sans doute ignoré.

Et qu’est-ce que Jésus a fait de grand et qui sente le Dieu ? Le vit-on dédaignant l’humanité, se faisant jeu et risée des événements d’ici-bas ? A-t-il dit seulement comme le personnage de la tragédie : Le Dieu me délivrera lui-même quand je le voudrai. »

Vous savez que celui qui le condamna n’a pas été puni comme Penthée qui fut pris de transports furieux et mis en pièces.

Et maintenant, s’il ne l’a pu plus tôt, que ne fait-il éclater sa vertu divine ? Que ne se lave-t-il enfin de cette ignominie ? que ne fait-il justice de ceux qui l’ont outragé lui et son père ? Et le sang qui sortit de sa blessure ? Était-il semblable à celui qui coule dans les veines des Dieux ? Et l’ardeur de la soif, que le premier venu sait supporter, était telle chez lui, qu’il but à plein gosier fiel et vinaigre !

Mais par quelle raison avez-vous pu vous mettre dans l’esprit qu’il était le fils de Dieu ? C’est, dites-vous, que nous savons qu’il a souffert le supplice pour la destruction du père du péché. Mais n’y en a-t-il pas des milliers d’autres qui ont été exécutés et avec tout autant d’ignominie ?

C’est, dites-vous encore, qu’il a guéri des boiteux et des aveugles, et à ce que vous assurez, ressuscité des
morts. Mais ne vous a-t-il pas prémuni lui-même contre de pareilles séductions, ne vous a-t-il pas prévenu lui-même de vous défier des imposteurs et des thaumaturges ? O lumière et vérité ! De sa bouche même et en termes explicites, comme vos propres livres en témoignent, il annonce que d’autres se présenteront
à vous, usant des mêmes pouvoirs, qui ne seront que des scélérats et des imposteurs ; et il nomme un Satan qui doit faire quelques prodiges semblables. N’est-ce pas déclarer que ces prodiges n’ont rien de divin, mais que ce sont oeuvres de causes impures ?

La force de la vérité l’a contraint de démasquer les autres, et il s’est confondu lui-même du même coup. Quelle misère donc de tirer des mêmes actes que celui-ci est un Dieu et ceux-là des charlatans !

Quelle raison donc enfin a pu vous persuader ? Est-ce parce qu’il a prédit qu’après sa mort il ressusciterait ?
Eh bien, soit, admettons qu’il ait dit cela. Combien d’autres débitent d’aussi merveilleuses fanfaronnades pour séduire les bonnes dupes qui les écoutent, et les exploiter en les abusant ?

Si Jésus voulait faire éclater réellement sa vertu divine, il fallait qu’il se montrât à ses ennemis, au juge qui l’avait condamné et à tout le monde en général ; car puisqu’il était mort et de plus Dieu, s’il faut vous en croire, il n’avait plus rien à craindre de personne, et ce n’était pas sans doute pour qu’il restât caché qu’il avait été envoyé primitivement ? S’il le fallait même pour mettre sa divinité en pleine lumière, il devait disparaître tout d’un coup de dessus la croix. Quel envoyé, au lieu d’exposer sa mission, s’est jamais caché ?

Son supplice a eu tout le monde pour témoin, sa résurrection n’en a eu qu’un seul ; il fallait que ce fût tout le contraire. S’il voulait rester ignoré, pourquoi la voix divine déclara-t-elle hautement qu’il était fils de Dieu ?
S’il voulait être connu, pourquoi s’est-il laissé mener au supplice, pourquoi est-il mort ?

O Très-Haut ! ô Dieu du ciel ! quel Dieu se présentant aux hommes peut les trouver incrédules, surtout quand il apparaît au milieu de ceux qui soupirent après lui ! Comment ne serait-il pas reconnu de ceux qui l’attendent depuis longtemps !

Faut-il parler de son caractère irritable, si prompt aux imprécations et aux menaces ? de ses « Malheur à vous ! » « Je vous annonce… » En usant de tels moyens, il avoue bien qu’il est impuissant à persuader ; et ces moyens ne conviennent guère à un Dieu, pas même à un homme de sens.

Nous n’avons rien tiré que de vos propres Écritures : nous n’avons que faire d’autres témoignages contre vous. Vous vous réfutez assez vous-mêmes.

Il n’y a rien au monde de si niais que la dispute que les chrétiens et les Juifs ont ensemble, et leur controverse au sujet de Jésus rappelle tout justement le proverbe connu : « Se quereller pour l’ombre d’un âne. »

Il n’y a rien de sérieux dans ce débat, où les deux parties conviennent que des prophètes inspirés par un esprit divin ont prédit qu’un certain sauveur doit venir pour le genre humain, mais ne s’entendent pas sur le point de savoir si le personnage annoncé est venu ou non.

Les Juifs révoltés firent schisme autrefois et se séparèrent des Égyptiens, avec lesquels ils faisaient corps, par mépris pour la religion nationale. Or, ils ont à leur tour subi la pareille de la part de ceux qui se sont attachés à Jésus et ont cru à lui comme au Christ. Des deux côtés, l’esprit de parti a été la cause des nouveautés.

Il a fait que des Égyptiens se sont séparés de la mère patrie pour devenir Juifs, et qu’au temps de Jésus d’autres Juifs se sont détachés aussi de la communauté juive et se sont mis à la suite de Jésus.

Et ce goût d’orgueilleuse faction est tel encore aujourd’hui chez les Chrétiens que, si tous les hommes voulaient se faire Chrétiens, ceux-ci ne le voudraient plus. Dans l’origine, quand ils étaient en petit nombre, ils avaient tous les mêmes sentiments, mais depuis qu’ils sont devenus foule, ils se sont partagés et divisés en sectes, dont chacune prétend faire bande à part, comme ils le voulaient primitivement. Ils se séparent de nouveau du grand nombre, se condamnent les uns les autres, n’ayant plus de commun, pour ainsi parler, que le nom, s’ils l’ont encore. C’est la seule chose qu’ils ont eu honte d’abandonner ; car, pour le reste, les uns ont une doctrine, les autres une autre.
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Sonic590
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29 décembre 2020 à 01:29:43
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