https://youtu.be/ViCL1jMZNHc
Je rappelle que cette chanson voit l’artiste se mettre lui-même en scène dans un café sur le point de fermer, en train d’attendre une fille qui n’arrivera pas. Tout en l’attendant, il écrit un morceau de rap - on le comprend à la mélodie du refrain qu’il chantonne au début, comme s’il venait de l’improviser entre deux remarques agacées qu’il murmure à lui-même - qui relate la manière dont il compte reconquérir cette filles mais également, les raisons de leur discorde. Chaque fois qu’il idéalise leurs retrouvailles, ses pensées finissent par dériver vers un souvenir, toujours plus douloureux, pour finalement revenir sur une rêverie plus naïve que la précédente. Comme s’il essayait de fuir le réel. La structure du morceau, qui jongle entre présent, passé et futur imaginé, devient alors cyclique et les problèmes de leur relation s’éclaircissent un peu plus à chaque occurrence de ce cycle. On comprend très vite que l’artiste en question a une version de l’amour purement romantique et hyperréelle, forgée par la littérature et l’amour de l’écriture. Quand le héros se rend enfin compte que sa promesse d’arrêter la musique et l’écriture est vaine et illusoire, toute l’ironie du morceau se déploie : il a compris le véritable sens de sa rupture avec sa fin, à savoir la place trop importante de l’art dans leur couple, en concevant une œuvre qui dépeignait de manière tantôt réaliste, tantôt rêvée leur romance et son échec. C’est comparable à un junkie qui saisirait l’impact dévastateur de la drogue dans sa vie alors qu’il est en pleine défonce. Mais cette épiphanie est incomplète car rattrapée par la mauvaise foi du héros. Énième ironie : il semble désormais plus déçu par la fin du morceau abrupte que provoque l’absence de son ex que par l’absence de celle-ci. Ainsi, dans la toute dernière phase du titre, Nekfeu se plaint de la suspension dans la narration et dans la structure de la chanson :
C’est plutôt nul comme fin, en plus, ça nique le refrain
Qui écrit de manière aussi subtile et intelligente en France ? Y a des putains de prix Goncourt qui n’ont pas ce talent. Je rappelle qu’il a conçu ce morceau et les treize autres de l’album “Cyborg” en moins d’un mois.
