En France, on te filera du pognon pour un film qu'on n'a pas envie de voir et dont on sait d'avance qu'il ne marchera pas.
Ceci n'est qu'un exemple parmi les 14 000 exemples qu'on pourrait citer, mais comme j'en ai été le témoin direct, je peux en causer :
- En France, il existe un truc qu'on appelle l'Aide au Développement de long métrage. C'est de l'argent d'Etat réservé pour un certain type de projets de films, ceux qui sont jugés difficiles-artistiques-moches-chiants-comme-la-mort et dont on pense qu'ils auront du mal à se monter avec TF1. Cette Aide au Développement est là pour aider les sociétés de production à faire toutes les réécritures nécessaires, trouver le casting, faire les repérages etc. afin de monter le projet et réussir ensuite à trouver son financement.
L'aide est remboursable à 50% lorsque le film entre en production, et les 50% restants à sa sortie.
- Maintenant, imagine une réalisatrice qui a déjà fait un long métrage. Ni toi, ni moi, ni personne n'ont jamais vu ce long métrage. Il est sorti dans une salle, a été vu par ses 54 amis et ne passera jamais sur aucune télé (parce qu'il est difficile-artistique-moche-chiant-comme-la-mort)
- Cette réalisatrice écrit, en une semaine, le scénario le plus abominablement creux que tu puisses imaginer (non, laisse tomber, en vrai tu peux pas imaginer). Comme elle a tâté autrefois des planches dans le théâtre subventionné et que ses anciens directeurs se trouvent également affectés aux commissions du CNC (pourquoi ? on sait pas) son scénario pourri de chez pourri illisible reçoit l'Aide au Développement : disons 50 000 euros.
- La boîte de production qui va développer le projet est sise à la même adresse que là où habite la réalisatrice. Simplement parce que la boîte de prod, c'est son appart.
Comme de toutes façons elle ne va pas retoucher une seule ligne à son scénario, les 50 000 euros vont être répartis comme suit :
30 000 euros pour redonner un coup de peinture à la cuisine et refaire le carrelage de la salle de bains
15 000 euros de frais de fonctionnement divers (téléphone, nouvel ordi, chichon)
5 000 euros pour organiser les auditions pour le casting.
- Cette réalisatrice aime beaucoup les femmes. Ca tombe bien, l'histoire qu'elle a écrite se passe dans une école de danse où il n'y a que des jolies jeunes filles à la plastique gracieuse. Parmi tous les books d'actrices qui vont lui être soumis, elle va pouvoir choisir sur photo les filles qu'elle trouve le plus sexy (sauf les noires, elle peut pas piffer les noires). Les séances de casting vont donc l'occuper un certain temps. Ces séances consistent donc à recevoir, chez elle dans son salon, des jeunes filles de toute beauté qu'elle a sélectionné sur photo, et qu'elle va pouvoir draguer à loisir (tout ça aux frais de l'Etat).
- Et là tu me dis "Hé mais, cet argent avancé par l'Etat, il faut le rembourser !". C'est là que ça devient folklorique. Parce que figure-toi qu'elle a aussi un bon copain du théâtre qui va se retrouver à la Commission d'avances sur recettes l'année prochaine. Et bien que le copain trouve le script à mourir de rire tellement il est pourri, il sait qu'il pourra, avec 3 modifications minimes, faire passer la pilule à la Commission. L'Avance sur recettes, c'est encore de l'argent de l'Etat. Une fois que cela sera décroché, on pourra faire passer une partie de la somme pour rembourser l'Aide au Développement. L'Etat remboursera de l'argent à l'Etat.
je vais pas jouer les poujadistes en rappelant d'où vient l'argent de l'Etat
- Et si par malheur le film ne se fait pas ? Bah y'aura dépôt de bilan de la société de prod' quoi. Rien de bien grave, là aussi y'a plein d'astuces.
Le film de cette réalisatrice, en l'occurrence, il ne s'est jamais fait. Mais elle est toujours dans le système. Une rapide recherche Google vient de me donner son nom sur une pétition d'artistes, à côté d'acteurs prestigieux, tous unis contre le sale enculé de gouvernement dictatorial qui veut réformer notre système de solidarité interprofessionnelle.
Donc on peut choisir de se révolter du fait qu'il y a des gens qui arnaquent les caisses de l'Etat (mais ils ne sont ni pauvres ni basanés, donc ça va) ou alors on peut se dire qu'il y a tout simplement un GROS PROBLEME avec ce système, qui se veut sur le papier une aide à la création la plus artistiquement intègre, et qui au final se révèle une aide pour goudou raciste qui se pécho de la bonne étudiante dans son grand appart entièrement refait à neuf.
Ce n'est évidemment qu'un exemple parmi les 14 000 arnaques possibles.
Et juste une fois, par curiosité, feuillette les hors séries du Film Français dans lesquels sont listés tous les projets en cours pour l'année prochaine, et demande toi combien d'arnaques cela représente (et combien tu vas mettre de ta poche dans ce système)
En conclusion, un autre point très important : si cette nana, un soir d'inspiration, avait soudain rêvé de transformer son film d'école de danse en un thriller saphique à la Suspiria. Bref, si d'un coup elle avait vraiment rêvé de faire un vrai film, hé bien elle n'aurait jamais eu son aide au développement. Si elle avait voulu faire Suspiria 2, return of the goudou witch, projet qui ne rentre pas dans les critères "difficiles-artistiques-moches-chiants", elle aurait du courir toutes les boîtes de prod européennes avec le script le plus séduisant sous les bras. Et là, les choses auraient été bien difficiles pour elle.
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