Topic de Brebisrouge :

[Écriture] Je partage des textes

C'est l'heure du up quotidien, empli de la fatalité du déclin
C'est l'heure du up du soir, qui traine un reliquat d'espoir

J’entendais mes frères marteler le sol à l’étage, en courant dans un mélange de fous rires et de cris hystériques. Mes yeux scrutaient le plafond du salon, et je pouvais précisément les localiser à partir des bruits que leurs pieds émettaient sur le plancher. J’étais allongé sur le seul meuble du salon, un canapé gris terne, mais bien entretenu, qui trônait au milieu d’une vaste pièce vide. Je n’aurais pas été surpris de voir des virevoltants traverser nonchalamment le salon, ils auraient été parfaitement dans le thème. Toutes les fenêtres et les portes, toutes les ouvertures de la maison étaient grandes ouvertes. Nous étions au début de l’été, et une chaleur timide et nostalgique se déversait lentement dans l’habitacle. Dehors le ciel était presque translucide, tout comme l’air au-dessous, comme si j’observais une photo délavée, au filtre pastel. Un petit rythme de jazz jaillissait de l’extérieur, depuis une grosse radio posée sur le porche de l’entrée principale.
Ma jumelle approcha dans l’ombre de la musique. Elle me prit par surprise alors que j’étais occupé à traquer les mouvements de mes petits frères. Elle me vida le contenu de sa bouteille sur le visage, ce qui me fit me relever en sursaut, désorienté. Je n’ai pas l’habitude d’être attaqué à revers. Je me tordis vers l’arrière pour la regarder, l’eau dégoulinant encore de mes tempes. Elle s’éclaffait, et je ne pus résister à sa bonne humeur candide, alors je souris. Je lui fis une place sur le canapé, résolu à l’idée de reporter mes flâneries, et elle vint s’asseoir à coté de moi. Mon dos s’enfonça dans le dossier du siège tandis que j’observais attentivement le visage de ma sœur se métamorphoser toutes les microsecondes, passant d’une émotion à l’autre avant que son cerveau n’ait eu le temps de connecter une idée. Nos yeux se livraient une bataille de pouce. Elle esquiva mon premier assaut. Son bassin se tournait dans ma direction. Ses lèvres se décollaient. Elle allait dire quelque chose.
Le chien fit irruption dans la pièce.
Je me remémorais un coup de feu.
Je revoyais ses larmes.
J’entendais leurs cris.
Ceux de mes petits frères à l’étage. Mon esprit se tendit vers eux. Loin de la pièce où mon corps était figé. Loin de ma sœur dont la bouche ne cessait de s’animer. Loin de sa beauté. De son regard obsédant. Des larmes qui s’épanchaient sur ses joues.
L’été avait commencé. La mèche du compte à rebours s’était enflammée. Chaque saison, chaque année, chaque séquence de la vie est une boucle, un drame figé dans sa bobine. Impossible de modifier le scénario. Mon corps se noyait dans le matelas, mon esprit suivait la course insouciante de la jeunesse à l’étage, en caméra embarquée. Aucun éclat de rire, aucun sanglot déchirant de ma sœur ne me ramènerait à ce canapé, dans cette maison vide, à cet été d’il y a trois ans, ni à aucun autre.

Texte tout frais. Peut-être que poster ici, même sans lecteurs, va me pousser à écrire

Vu l'activité du forum, c'est le moment propice pour un up insomniaque

Mais je vais quand même bider :hap:

Données du topic

Auteur
Brebisrouge
Date de création
11 janvier 2021 à 17:29:49
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